GENEVE – Le christianisme actuel, notamment chez les protestants/évangéliques, est divisé en deux groupes assez différents. Le premier peut être qualifié de libéral et touche davantage les protestants surtout en Europe et Amérique du Nord (moins dans les pays du sud), les théologiens ont une vision distante et libérale de la Bible. Le deuxième groupe qui concerne beaucoup plus les évangéliques concerne une vision plus conservatrice ou littérale de la Bible. Chacun des groupes présente des risques, avec une vision purement libérale, la Bible devient presque un livre parmi d’autre et le sacré a tendance à disparaître pour faire place à une mythologie menant clairement au relativisme. Dans une approche littérale ou très conservatrice, la Bible peut trop être prise “à la lettre” avec des problèmes graves d’interprétation notamment dans l’Ancien Testament (ex. lapidation) et des difficultés d’allier science et religion comme par exemple dans l’évolution. La vision conservatrice cherche aussi à limiter au maximum le sens des textes sacrés, en adoptant une analyse littérale des faits, presque journalistique.
Le piège de la science et la quête de sens
Comme l’explique avec un grand talent le théologien orthodoxe Jonathan Pageau dans de nombreuses vidéos (ex. ici, vidéo de novembre 2022), une théologie plus symbolique peut permettre de trouver un certain équilibre entre une théologie trop libérale et l’autre trop littérale. La théologie symbolique essaie quant à elle de reconnaître les modèles (patterns) de la Bible sans tomber dans le mysticisme ou le “journalisme”, car le monde s’est révélé sous forme de modèles. M. Pageau relève que notamment au 19ème et 20ème siècle, les différentes églises chrétiennes ont essayé de défendre leur foi en utilisant une forme de méthode scientifique. Mais n’était-ce pas peine perdue ? Comme expliquer scientifiquement la résurrection du Christ ? Si on a une structure mentale exclusivement scientifique ou matérialiste, il devient presque impossible de croire en Dieu. C’est pourquoi, beaucoup de théologiens notamment du monde orthodoxe (Eglise Orthodoxe) cherchent à davantage rentrer dans une analyse plus symbolique, en quête de sens. Il faut comprendre la symbolique comme un retour à plus d’images symboliques et d’histoires. Le psychiatre suisse Carl Jung peut nous aider à mieux comprendre le monde des symboles avec son oeuvre magistrale, notamment sur les archétypes (venant du grec et signifiant des schémas ou modèles initiaux).
Question de sens
Le génie du symbolisme est qu’il travaille sur le sens en posant des questions simples comme : “Qu’est-ce qui fait sens ou qu’est-ce que cela signifie ?” ainsi que “Quelle vérité est incorporée ?”. Au lieu des questions classiques de la science ou du matérialisme comme “Comment est-ce que cela fonctionne ?” ou “De quelle matière ou concept est fait ceci ou cela ?”. On a un vrai changement de perspective avec le symbolisme. Par exemple si on étudie la Genèse, notamment les 3 premiers chapitres, répondre à des questions de sens en utilisant la symbolique est probablement bien plus intéressant que des questions de formes ou scientifiques. Quel était la signification d’Adam ? Pourquoi Adam étudiait les animaux ? Pourquoi Eve a-t-elle parlé avec le serpent ? Qu’est-ce que cela nous dit sur l’homme, en général qui préfère les choses, et la femme, en général qui préfère les gens ou personnes ?
Exemple pratique, pyramide
Un des grands problèmes du christianisme est de comprendre certains concepts clés. Prenons le baptême. Il est très difficile de le comprendre sans utiliser au moins un peu de symbolisme. Une bonne imagine est de visualiser une pyramide. Tout en haut de la pyramide il y a Dieu (et Jésus, de la Trinité). Lors de sa mort en croix, Jésus descend du haut vers la base de la pyramide, en enfer ou chaos. Il vient tout en bas pour nous sauver, il meurt pour nous. C’est pourquoi à mon avis un baptême par immersion fait sens, on descend symboliquement tout au fond pour ensuite remonter au ciel. On revit un mouvement commencé par Jésus il y a environ 2000 ans.
Trop de symbolisme est aussi un danger
Dans une vision chrétienne conservatrice, avoir une théologie trop symbolique ou même exclusivement symbolique est aussi un grand danger. Car ensuite il est très facile de dire que le christianisme est une invention, un mythe, une somme d’archétypes comme une belle histoire (ex. Roi Lion de Disney). On revient au risque du relativisme. Il faut à mon avis plus comprendre le symbolisme comme un outil efficace au 21ème siècle de bien transmettre des informations clés de la théologie chrétienne comme le baptême ou la Trinité. Ce que l’Eglise Orthodoxe a fait pendant de nombreux siècles.
Risque ou problème du symbolisme
Un des problèmes du symbolisme selon moi est qu’il est difficile de comprendre le monde sans avoir une révélation, une sorte d’épiphanie, un concept connu par les Juifs avec leur célèbre kabbale. On peut trouver une révélation par exemple en réalisant une psychanalyse jungienne, par la grâce de Dieu ou probablement en se rendant dans une église orthodoxe, mais je pense que les églises non orthodoxes ne sont pour le moment pas prêtes à bien faire comprendre à leurs fidèles cette théologie unique et à mon avis extrêmement efficace dans un monde moderne de plus en plus complexe.
Le 22 novembre 2022. Par Xavier Gruffat.