En Suisse, on a de la peine avec les grands hommes comme bien sûr Jean Calvin ou Carl Gustav Jung. Karl Barth est un géant de la théologie chrétienne, très probablement le principal théologien du 20ème siècle, mais malheureusement il reste peu connu en Suisse. Nul n’est prophète en son pays. Karl Barth a abandonné la théologie libérale, très idéologique et proche des milieux de gauche, pour créer un nouveau courant appelé néo-orthodoxie.
Impact énorme
L’œuvre de Karl Barth a parfois été comparée à celle d’Augustin (Saint-Augustin), de Thomas d’Aquin et de Jean Calvin, rien que ça… Karl Barth est le principal contributeur de la théologie qualifiée de contemporaine. Il est souvent considéré comme un théologien christocentrique en pensant que Jésus-Christ est la parole de Dieu, la révélation.
Biographie
Karl Barth est un Suisse né à Bâle et mort dans la même ville le 10 décembre 1968. Il est le fils d’un pasteur réformé (calviniste) suisse. En 1909, il termine ses études de théologie.
Débuts communistes et théologie libérale
De 1909 à 1911, il est pasteur auxiliaire de la paroisse de langue allemande de Genève, puis il devient pasteur à Safenwil dans le canton d’Argovie. Il considère alors que le socialisme est la continuité moderne du christianisme et que « Jésus est plus socialiste que les socialistes ». A ce moment, il est clairement un adepte de la théologie libérale. Un courant de pensée clairement inspiré par le siècle des Lumières et le rationalisme. La théologie libérale pense qu’il n’y a pas de révélation de Dieu dans la Bible, comme on va le voir plus tard dans cet article. Pour beaucoup, la théologie libérale n’inclut plus vraiment Dieu – qui devient sans grand intérêt d’étude – et se concentre plutôt sur les êtres humains avec les enjeux sociaux et forcément un rapprochement avec le socialisme et ses courants. Dans ce cas, la religion est plutôt vue comme un outil de transformation sociale et a une fonction surtout idéologique. Au début du 20ème siècle, la théologie libérale dominait les facultés de théologie protestantes européennes (allemandes surtout).
Crise identitaire, Première Guerre mondiale
Déçu par le ralliement des églises et théologiens libéraux allemands à l’armée germanique lors de la Première Guerre mondiale, il remet alors définitivement en cause la théologie libérale qu’on lui a enseignée et qu’il avait adoptée avec enthousiasme lors de ses études. A ce moment de sa vie, il était clairement un pacifiste. Il faut savoir que la plupart de ses professeurs d’université étaient en faveur de la Première Guerre mondiale. Il affirme dans une phrase digne d’un aphorisme de Friedrich Nietzche qu’une éthique mauvaise peut seulement être le fruit d’une théologie mauvaise. Il va s’en suivre une grave crise et une remise en question totale.
Théologie contemporaine
En 1919, il publie Der Römerbrief, un commentaire de l’Épître aux Romains dont il avait débuté la rédaction en 1916 et qui reçoit de bonnes critiques. Pour certains, ce livre marque le début de la théologie contemporaine.
Néo-orthodoxie
Comme Karl Barth abandonne la théologie libérale, il doit se tourner vers une nouvelle vision du christianisme. Après des années d’études et un retour aux écritures et à la Réforme en étudiant notamment Calvin et Luther, il va créer un mouvement qu’on appelle néo-orthodoxie. Même si Karl Barth n’aimait pas ce nom de néo-orthodoxie, ce terme a été conservé. Il s’agit d’un vrai retour à la Bible des orthodoxes, mais avec quelques nuances pour certains très importantes.
La Bible, au centre de tous les combats
La Bible est considérée comme Karl Barth et sa néo-orthodoxie comme une (et pas La) révélation de Dieu. Pour être précis, Karl Barth estime que la Bible est l’enregistrement de la révélation de Dieu, alors que les orthodoxes (ou conservateurs) voient dans la Bible La révélation ou la Parole littérale de Dieu, sans erreur. Ainsi, avec la théorie de Karl Barth de considérer la Bible comme un enregistrement de la révélation, des fautes sont possibles, car les hommes qui ont écrit la Bible sont humains et peuvent faillir.
Pour les conservateurs, aucune erreur ne peut être admise.
Chez les théologiens libéraux, comme on l’a vu la Bible n’est pas une révélation de Dieu ou la Parole de Dieu et elle est davantage un livre religieux qui est la manifestation d’un groupe de personnes dans une époque déterminée qui ont écrit ces textes.
Christocentrique
Il est souvent considéré comme un théologien christocentrique en pensant que Jésus-Christ est la parole de Dieu, la révélation. Pour Karl Barth, la révélation ne peut que se dérouler lorsque Dieu est présent et ainsi il s’agit seulement de Jésus-Christ.
Deux types d’histoire : History et Geschichte
A la différence du philosophe Kant, Karl Barth estime que Dieu n’entre pas directement dans l’histoire humaine mais prend une tangente. Parfois il touche notre histoire humaine et c’est là qu’intervient la révélation de Dieu. Karl Barth établit 2 types d’histoires différentes dans sa théologie, l’histoire des hommes et de Dieu. L’histoire mesurable des hommes, une sorte d’histoire des phénomènes selon Kant, est appelée par Barth d’History. Il y a une autre histoire nom mesurable, celle de Dieu, qui est appelée Geschichte (histoire en français). Par exemple, le Jésus historique (de Nazareth) appartient à l’History mais le concept de Jésus appartient à la Geschichte. Dans ce dernier cas pour Barth, l’important est la Geschichte, ainsi si Jésus a ressuscité ou non n’est pas si important ou fondamental pour sa théologie.
VIDEO – Comment avons-nous obtenu la Bible ?
Critiques de Barth
Les critiques de Barth proviennent forcément des deux côtés du spectre. Les libéraux le trouvent forcément trop conservateur, car les libéraux n’acceptent pas que la Bible peut représenter une quelconque révélation de Dieu. Les orthodoxes (ex. calvinistes orthodoxes) pensent qu’il est trop libéral avec un manque de clarté sur la révélation de Dieu dans les écritures, car Dieu peut se révéler partout mais sans avoir exclusivement besoin de la Bible. Si ce livre sacré était La révélation, alors ce serait une forme d’idolatrie de la Bible. Les orthodoxes estiment que la révélation de Dieu est exclusive dans la Bible. Barth a toutefois donné tout au long de sa vie une grande importance à la Bible et aimait fortement l’exégèse (interprétation doctrinale de la Bible). Une autre critique des orthodoxes est qu’au 21ème siècle, Barth comme par exemple au Brésil, peut s’avérer une porte d’entrée pour un retour à une théologie libérale qu’on pensait en grande partie disparue en tout cas dans les milieux évangéliques dits historiques (ex. baptistes, presbytériens). Ce qui permet par exemple de justifier le mariage homosexuel dans l’église.
Grandes qualités de Barth
Une qualité très intéressante de Karl Barth est d’accepter très volontiers les critiques. Il aimait répondre notamment par des lettres à ses contradicteurs, sans le prendre personnellement et en amenant ses arguments. On peut aussi affirmer que Karl Barth était un homme sincère et qu’il avait la foi en Dieu.
Conclusion possible
La petite page Wikipedia.org qui lui est consacrée estime que toute l’œuvre de Kalt Barth est une protestation contre les tentatives humaines (politiques, morales, religieuses et même théologiques) d’instrumentaliser Dieu en l’identifiant à une cause ou à une doctrine. Ainsi l’Église n’est pas là où nous croyons qu’elle est, mais là où Dieu décide qu’elle est. Il n’y a donc pour Barth d’attitude chrétienne que critique et inconfortable.
Il est évident que dans les années 2020, Kart Barth continue à avoir une énorme influence dans le monde théologique, notamment protestant et évangélique, globalisé. Il est aussi très respecté dans les milieux catholiques.
Le 8 octobre 2023. Par Xavier Gruffat. Sources : Vejam Só (émission brésilienne diffusée sur la télévision RIT le 6 octobre 2023), Wikipedia en français. Crédit photo : https://fr.wikipedia.org/wiki/Karl_Barth#/media/Fichier:Karl_Barth_Bundesarchiv_Bild.png
