SAO PAULO – Le 29 mars 2017 à 23h59, le signal TV analogique a été coupé dans la région de la ville de Sao Paulo et ses plus de 20 millions d’habitants. Le signal avait déjà été coupé quelques jours avant dans la capitale du pays, à Brasilia. Cela signifie que depuis le 30 mars 2017 le seul moyen de regarder la télévision gratuitement dans ces régions est à travers un signal digital présent sur les TV modernes ou grâce à un appareil à connecter à une TV plus ancienne. Au même moment 3 chaînes de TV privées, la SBT, Record TV et la Rede TV, ont “profité” de faire pression sur les câblo-opérateurs brésiliens pour recevoir une part du gâteau que ceux-ci reversent aux TV dites câblées. L’un des arguments de ces 3 chaînes pour recevoir de l’argent des câblo-opérateurs est que le passage au digital a augmenté leurs coûts de production.
Situation complexe et intéressante
Expliquons tout d’abord que le Brésil compte 5 grandes chaînes ou networks de TV généralistes privées : TV Globo, Record TV, SBT, Band et Rede TV. Cette dernière est toutefois bien plus petite en audience que les 4 premières. Ces chaînes de TV comme TF1 en France ont un modèle d’affaires (business model) basé sur la publicité. Les annonceurs proviennent en majorité du monde privé mais parfois aussi des différents gouvernements (fédéral, de l’état ou communal).
Le Brésil compte comme en Suisse (par ex. Swisscom TV) plusieurs câblo-opérateurs, cela signifie qu’ils vendent des packages avec de nombreuses chaînes (ex. sportives, séries, news…) et incluent aussi les grandes chaînes généralistes brésiliennes privées qui sont gratuites. On sait que les câblo-opérateurs payent un certain montant aux chaînes dites du câble, c’est-à-dire des chaînes non diffusées gratuitement comme CNN aux Etats-Unis qui reçoivent de l’argent. Le problème est que souvent les chaînes généralistes dites ouvertes (en France l’équivalent de la TNT) ne reçoivent pas d’argent ou de commission des câblo-opérateurs.
Selon nos informations, des dizaines de millions de Brésiliens sont clients d’un câblo-opérateur, cela représente environ 30% de la population et probablement la part la plus riche des Brésiliens.
Le problème
Trois chaînes brésiliennes de TV, Record TV, SBT et Rede TV, ont formé une entreprise commune pour exiger de la part des câblo-opérateurs un versement d’une commission, sur le même principe que les chaînes câblées comme CNN reçoivent déjà un certain montant. Le 30 mars 2017 à 20h00 (heure de Paris), aucun accord n’a pu être signé et des grands câblo-opérateurs brésiliens comme Net ou Sky (appartenant selon nos informations en grande partie à l’américain AT&T) ne diffusaient plus les chaînes de TV Record TV, SBT et Rede TV le 30 mars 2017. A la place un message explicatif était diffusé.
Les câblo-opérateurs estiment que comme les chaînes sont gratuites les câblo-opérateurs ne doivent pas payer pour inclure dans leur package et les 3 chaînes de TV en question pensent que l’attitude des câblo-opérateurs n’est pas correcte. Selon les 3 chaînes de TV, s’ils vendent un package, une partie doit revenir aux TV généralistes privées. Ces 3 chaînes privées cherchent probablement à avoir un modèle d’affaire mixte entre publicité et une commission versée de la part des câblo-opérateurs.
Un opérateur, Vivo, a toutefois décidé d’engager des négociations avec ces 3 chaînes et le 30 mars 2017 il n’avait pas coupé le signal.
Au Brésil, les câblo-opérateurs ont observé une diminution du nombre de clients l’année passée en comparaison aux autres années. Aux Etats-Unis aussi les câblo-opérateurs souffrent à cause de la concurrence de l’Internet mais aussi de services comme Amazon et Netflilx. L’âge d’or des câblo-opérateurs semble donc clairement terminée comme d’ailleurs celui des grandes chaînes de TV généralistes privées.
Et en Suisse ? Payer moins Billag ?
En Suisse on pourrait imaginer qu’un jour une “guerre” éclate entre la RTS (SSR) et Swisscom TV. Cela voudrait dire que la RTS exigerait une commission sur chaque abonné de Swisscom TV, si Swisscom refuse alors RTS demanderait de couper le signal sur Swisscom TV pour la RTS 1 et RTS2. Par exemple si le package de Swisscom TV coûte 100 francs par mois et que l’audience de RTS1 et RT2 est de 30%, tout en déduisant par exemple une marge de 30% de Swisscom, la RTS devrait recevoir de Swisscom TV 30% de 70.- soit plus de 20 francs par abonné Swisscom. Si Swisscom TV a 1 million de clients en Suisse, cela ferait 20 millions de chiffre d’affaires en plus par mois soit plus de 200 millions par année pour la SSR. Un montant capable de diminuer peut-être la facture de Billag.
Comme en Suisse RTS (du groupe SSR) est publique, la situation est différente mais on peut imaginer des cas dans le futur entre une chaîne de TV privée gratuite opérant et Swisscom TV.
Les guerres juridiques mondiales semblent sans fin entre TV et opérateurs, le métier du futur n’est donc probablement plus acteur ou journaliste mais malheureusement avocat.
Le 30 mars 2017. Par Xavier Gruffat. Sources : Folha de S.Paulo, Record (r7.com), SBT, The Wall Street Journal (situation aux Etats-Unis de la TV à cable).