“Le franc suisse est notre problème, pas celui des autres pays.”
MONTREUX – La Suisse profite d’une grande prospérité économique, mais selon moi cela ne va pas durer. La raison principale est le franc suisse beaucoup trop haut, beaucoup trop valorisé face à l’euro et au dollar, surtout face à l’euro, comme la Suisse est entourée de pays opérant avec cette monnaie. Bien sûr, il est difficile de comparer les pays, en France la sécurité sociale est payée à travers les charges et impôts en général, alors qu’en Suisse chaque personne doit la (caisse maladie) payer de façon séparée. Mais comme disent les Américains, à la fin de la journée la différence de salaire entre un Suisse et un Français est énorme, gigantesque. On peut faire théoriquement la même constatation entre un Tessinois et un Italien. Sans doute on parle d’un facteur 2 ou 3.
Un autre problème est que les salaires sont beaucoup trop hauts en Suisse, en comparaison internationale.
Nombreux problèmes: immigration, chômage
Le principal problème d’une telle situation est que l’Eldorado suisse fait office d’un véritable appel d’air. La population suisse augmente sans forcément avoir les logements et infrastructures pour y faire face. Logique, si vous pouvez gagner l’équivalent de 6000 euros en Suisse, contre 2000 en France, vous n’hésitez pas 1 minute. Ce n’est donc plus tenable d’avoir autant de frontaliers et/ou de nouveaux migrants.
Mais un autre effet très pervers de cet état de fait est qu’à long terme ce n’est économiquement plus tenable, le secret bancaire étant heureusement plus là (pensez à tout l’argent de la corruption à cause de ce secret), les avantages compétitifs vont diminuer. Imaginez que vous êtes Nestlé ou P&G, comment justifier un salaire de 8’000 euros (dollars ou francs) pour par exemple un simple rédacteur web en Suisse, alors qu’aux Etats-Unis il vous coûtera peut-être 3’000 dollars ou en France 4’000 euros (charges comprises). A un moment donné on doit se mettre à la place des patrons et des cadres, comment sortir des salaires médians ou moyens si élevés? Comment les payer.
Cette survalorisation du franc et des salaires va clairement se retourner contre les Suisses, sauf si on prend les devants.
Surtout que dans une économie toujours plus digitalisée et globalisée, si vous avez la possibilité de payer une personne 3, voire 10 fois moins dans un autre pays pour plus ou moins les mêmes tâches, le patron ne va pas hésiter à délocaliser. Triste, mais croyez-vous qu’on se soucie assez d’un SDF, d’un pauvre en Afrique? A la fin, le capitalisme est hyper-violent, gagne seulement celui qui s’adapte, évolue (selon les théories de Darwin).
Que faire ?
Il n’existe bien sûr aucune recette miracle, mais il est fondamental que les intellectuels suisses (s’il en existent ? ils sont en tout cas discrets et peu radicaux) se mettent à travailler très sérieusement là-dessus. Comme disent les Américains, “le dollar n’est pas notre problème, mais celui des autres pays”. Comme la Suisse est un petit pays à l’échelle mondiale (un peu plus de 1 pour mille de la population), nous c’est exactement le contraire que les Américains. Le franc suisse est notre problème, pas celui des autres pays.
Les pistes sont de toute façon peu nombreuses, j’en vois que 2 pour le moment:
– diviser les salaires par deux environ, surtout les salaires des classes populaires et moyennes inférieures, bien sûr en baissant les prix aussi des produits et services, Migros devrait pour montrer l’exemple changer son salaire minimum à CHF 2’000.-, mais tout en soutenant les employés en tout cas dans un premier temps pour éviter qu’ils tombent dans la pauvreté.
– dévaluer le franc suisse pour le faire monter à 1 franc 80 voire 2 francs pour 1 euro. C’est très compliqué, car en dévaluant le franc suisse, la valeur de l’épargne se trouve détruite (par deux), ce qui fait que notamment les personnes à la retraite et les riches en général seraient probablement très fâchés, terminé les petites croisières ou les vols en avion (qui se monnaient en dollars).
Remarquons que rentrer dans la zone euro pourrait être un mélange des 2 idées, mais selon moi le résultat sera le même, dévaluation à terme et diminution des salaires.
D’un point de vue purement pragmatique, il me semble que seulement la solution 1 est la plus judicieuse. Bien sûr c’est peut-être injuste de voir des pauvres encore plus pauvres, mais mieux vaut peut-être cela que de voir tout le bateau suisse couler d’un coup. Mieux vaut prévenir que guérir !
Le 22 juin 2015 (mis à jour le 23 juin 2015). Par Xavier Gruffat (dipl. MBA – pharmacien dipl. EPFZ)