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CHRONIQUE – Les réseaux sociaux, la haine, la mort du lien social

Par Philippe Barraud (journaliste) – Contenu exclusif sur Romanvie.ch

Il faudra qu’un jour une équipe de sociologues s’attelle à établir un bilan global de l’influence des réseaux sociaux sur la société. Pour l’heure, entre abrutissent des jeunes et déferlement de haine, on peine à discerner un apport globalement positif !

Je suis effaré de voir à quel point nos contemporains paraissent éprouver le besoin d’avoir quelqu’un à haïr: dès qu’une personne sort du lot, que l’on parle de politique, de sport ou de culture, aussitôt déferle un flot de haine, d’insultes et de désinformation profondément malveillante. C’est comme si toute personne profitant d’un moment de réussite, grâce à son travail, son acharnement, son intelligence, devait aussitôt le payer au prix fort, être rabaissée et salie.

CHRONIQUE – Les réseaux sociaux, la haine, la mort du lien social

Défouloir

Pourquoi ? Probablement parce que la réussite des uns renvoie inévitablement les autres à la médiocrité, à l’ennui, à l’inutilité ressentie de leur existence. Alors on se défoule, on se venge des sales coups de la vie, car tout le monde n’est pas riche et beau, et on profite de l’anonymat et de l’impunité garantis par les réseaux sociaux. Ceux-ci, bien entendu, vont tout faire pour qu’il en soit ainsi et que rien ne change, parce que c’est ainsi que l’on gagne un maximum d’argent. En faisant de Twitter un des principaux vecteurs de la désinformation et de la haine en ligne, M. Musk assure à X des revenus confortables et une impunité quasi assurée, comme on l’a vu récemment au Brésil: une nouvelle fois, la même règle implacable s’impose: les hyper-riches peuvent tout.

Mais certes, incriminer les réseaux sociaux est une chose, probablement un peu courte. Une autre est d’admettre qu’ils se contentent d’être les vecteurs, ou les amplificateurs, de la haine enracinée au plus profond du cœur des hommes. Là est la vraie question: d’où nous vient ce besoin de malveillance, de méchanceté, de nuisance, voire d’élimination de cet Autre qui nous fait de l’ombre, qui a l’outrecuidance de nous dépasser ? Et pourquoi ne peut-on simplement se réjouir avec lui de sa réussite ?

Et que reste-t-il de l’héritage chrétien dans une société qui a évacué les valeurs éthiques de son univers, voué au spectacle, à l’argent, au divertissement et au consumérisme effréné ? On ne l’entend plus guère, on ne veut plus l’entendre, la parole de Pierre aux Ephésiens: «Que toute amertume, toute animosité, toute colère, toute clameur, toute calomnie, et toute espèce de méchanceté, disparaissent du milieu de vous…» Comme on en est loin !

Ténèbres philosophiques

Et c’est bien là tout le dilemme auquel nous sommes confrontés: On peut bien imposer des règles et des limites aux réseaux sociaux, cela n’extirpera pas la haine qui fermente chez les individus, stimulée par la violence multiforme que distille la société – violence économique d’un système capitaliste exacerbé, violence physique stimulée par les jeux vidéo et les confrontations de supporters de football, violence des guerres où l’on doit choisir son camp, violence intrinsèque d’existences dépourvues de toute transcendance…


Dans ces ténèbres philosophiques, il doit être difficile d’être jeune aujourd’hui. Alors, faute d’un encadrement familial solide et responsable – les parents, collés à leur smartphone, ont autre chose à faire… –, les jeunes vivent leur vie dans les réseaux sociaux, les vidéos futiles de Tiktok, et des jeux plus violents les uns que les autres. Bon nombre d’entre eux n’ouvrent jamais un livre, et pourquoi le feraient-ils, puisque bébés déjà, ils ont été pourvus d’un écran ?

Délitement du lien social

L’addiction aux écrans devient un problème majeur dans notre société, c’est l’ONU qui le dit. Et nous vivons par leur faute un paradoxe colossal: les réseaux prétendus sociaux contribuent en réalité au délitement du lien social. J’observais l’autre jour quatre jeunes filles sur une terrasse de café. Aucune ne parlait aux autres, elles tapaient frénétiquement sur leurs smartphones respectifs, comme si elles étaient seules à la maison. De même, regardez ces couples au restaurant, qui s’intéressent bien plus à leur écran qu’à la personne qui leur fait face, ou ces passagers qui attendent le train, bien à l’abri des autres, le regard vrillé au téléphone et les oreilles bouchées par des écouteurs, afin d’être sûrs que personne ne va leur adresser la parole.


Un autre paradoxe est que celles et ceux qui se tiennent à distance des réseaux sociaux et des divertissements peu exigeants à la mode (les séries TV, les clips musicaux, les sports d’équipe…), deviennent des sortes d’individus asociaux, voire des marginaux, taxés d’inculture puisqu’ils ne connaissent rien aux références du plus grand nombre. C’est mon cas, et je l’assume !

Le 16 octobre 2024. Crédits photos: Adobe Stock, Pixabay ou Pharmanetis Sàrl (Creapharma.ch).

Observação da redação: este artigo foi modificado em 16.10.2024

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