Par Philippe Barraud (journaliste) – Contenu exclusif sur Romanvie.ch
On assiste à un effondrement spectaculaire des valeurs morales, sociétales et spirituelles, signe que nous allons devoir affronter des changements profonds dans la marche du monde.
Inscrivez-vous gratuitement à notre newsletter du mardi !
Ce qui me frappe, c’est l’hégémonie de la laideur, à laquelle on ne devrait pourtant pas se résoudre. Nos villes sont moches, a dit récemment l’architecte Marc Frochaux, et il n’a pas tort: dans toute l’Europe, elles s’enlaidissent même de plus en plus, sous la pression d’une politique de densification désordonnée, supposée répondre à l’immigration massive que nous subissons.
Laideur des populismes
Mais il n’y a pas que l’urbanisme qui soit moche. C’est même, comparativement, un moindre mal. La montée des populismes dans le monde a installé la laideur dans la politique. Le mensonge, le cynisme, la violence, le complotisme systématique, tout est bon pour pourrir petit à petit les régimes démocratiques. Et malheureusement, l’opinion publique paraît s’en accommoder comme d’une fatalité – il n’y a plus de vérité, puisque tout le monde fait comme cela…
A cet égard, la campagne électorale américaine a atteint un niveau de bassesse et de vulgarité que l’on n’a jamais vu dans l’histoire des Etats-Unis. Or que constate-t-on? Une bonne moitié du pays semble ne plus s’émouvoir de l’usage systématique de la désinformation, de l’insulte, de la calomnie la plus crasse, du racisme, de la haine des valeurs de la Constitution, et même de l’appel au meurtre de l’adversaire.
Le poison des réseaux sociaux
C’est extrêmement grave, car on passe très vite de la violence verbale à la violence physique. Et à cet égard, les réseaux sociaux jouent un rôle central. Je ne suis pas loin de penser qu’ils sont un poison pour la société, et que sans une régulation forte, ils vont détruire le vivre ensemble relativement pacifique que nous avons connu, et faire le lit des extrêmes, des affairistes, des escrocs et des dictateurs. Ils auraient pu être un instrument de libération, ils ne sont que des vecteurs de haine et de violence. Et comme ils sont dirigés par des individus plus riches que beaucoup d’Etats, et donc plus puissants, ils jouent sur du velours, corrompent, empêchent toute régulation, et paient sans sourciller des amendes colossales. Comme le pathétique Elon Musk, ils s’amusent joyeusement de pouvoir dresser les gens les uns contre les autres. Comme c’est facile ! Ils réagissent au quart de tour et se tapent dessus, c’est fun !
La tablette de bébé
La laideur et la violence n’épargnent pas les enfants et les jeunes. Aux plus petits, on assène la mièvrerie de jeux vidéo et de dessins animés stéréotypés, aux couleurs criardes, qui dès le berceau dégoulinent des tablettes qu’on met entre leurs mains, pour avoir la paix. Ainsi se forme l’esthétique et le goût de nos enfants, à défaut d’apprendre à s’exprimer et à jouer, pendant que les parents peuvent passer du temps sur leurs écrans divers.
Car les adultes jouent autant que les jeunes, presque la moitié des Suisses, montre une récente statistique. Et croyez-le ou non, ce sont les jeux violents qui ont la cote, ceux dans lesquels le but suprême est d’éliminer l’autre. Choquant ? Mais non, me dit un ado, car ce sont des méchants ! Alors…
L’argent, valeur suprême
La violence est encore dans le genre musical hégémonique auquel on n’échappe plus, même sur notre brave radio romande: le rap. Niveau musical nul, des paroles vulgaires et agressives, suant la misogynie, la haine, la frustration. Mais me dira-t-on, ceux qui produisent cela deviennent extrêmement riches ! C’est là une autre violence, une autre dégringolade éthique: le fait de gagner beaucoup d’argent est un certificat de talent, de vertu et de valeur humaine. Les modèles de nos jeunes sont les influenceurs, ces prostitués numériques qui sont grassement payés pour vanter des produits et des services, et les youtubeurs (pardon pour cet épouvantable vocable), qui inondent la planète d’insignifiance. Mais ils sont respectables, ils sont des modèles, puisqu’ils ont des millions d’abonnés et gagnent beaucoup d’argent. D’ailleurs, ils s’installent à Dubai, the place to be. Surtout si on veut échapper aux impôts…
Pour survivre, cultiver la beauté
On en viendrait à oublier l’antidote à toutes ces dérives déprimantes: la beauté. La beauté, qu’il faut débusquer et cultiver sous l’avalanche de la laideur. Elle est toujours à portée de main, à condition de prendre le temps, pour la trouver et la contempler. Elle est dans la nature, dans l’art, dans la musique, dans la Foi, dans la littérature. Elle nous réconcilie avec le monde, elle nous régénère, nous redonne un brin d’espoir dans les ténèbres et l’agitation stérile qui nous entourent. A chacun de constituer sa bibliothèque, son musée, son audiothèque, pour s’y réfugier, comme dans une bulle heureuse. Un prélude de Bach, la symphonie Résurrection de Gustav Mahler, le Requiem de Berlioz, un tableau de Vermeer ou de Pissaro, nous assurent qu’il y a davantage et mieux que l’agitation de ce monde à la dérive.
Inscrivez-vous gratuitement à notre newsletter du mardi !
Le 4 novembre 2024. Crédits photos: Adobe Stock, Pixabay ou Pharmanetis Sàrl (Creapharma.ch).