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CHRONIQUE – Comment l’IA va anéantir la société humaine : ignorants et rassasiés (Ph. Barraud)

Par Philippe Barraud (journaliste) – Contenu exclusif sur Romanvie.ch – Lire ici partie 1

Dans l’existence de nos contemporains, le divertissement et l’amusement ont pris une place prépondérante, et c’est peut-être pour cela qu’un nombre croissant d’entre eux, et en particulier les jeunes, rechigne à travailler à plein temps. Le travail, autrefois valeur cardinale dans la société et dans la famille, apparaît comme une corvée, comme une activité abrutissante, alors qu’il y a tant de manières plus gaies et plus gratifiantes de passer son temps !

Il est vrai que, en cette période de prospérité, le travail n’est pas une denrée rare, le choix est grand, et on peut assez facilement gagner de quoi vivre sans s’investir à fond dans une activité professionnelle. Autant de temps dégagé, mais pour faire quoi ? Partager davantage avec sa famille ? Se cultiver ? Faire du sport ?

Il faut plutôt chercher du côté de l’offre de distraction, dont la panoplie est infinie, et dans laquelle l’intelligence artificielle joue un rôle central aujourd’hui déjà. Non seulement l’IA propose, voire impose, des distractions innombrables, mais elle les conçoit elle-même, et les ajuste de plus en plus finement, en fonction des goûts et des intérêts de chacun, tout en les liant à des enjeux commerciaux. Et pour cela, elle dispose d’un instrument massue: les réseaux sociaux, un véritable fil à la patte, voire une sorte de perfusion vitale, dont nous croyons ne pouvoir nous passer, ne serait-ce que pendant une heure.

Chacun à fait l’expérience de la publicité qui apparaît immédiatement sur l’écran à la suite d’un achat en ligne, d’une recherche quelconque, ou même d’un appel téléphonique. Ce traçage, auquel il est très difficile d’échapper, est au cœur de la machine, puisqu’il faut retenir votre attention à tout prix, au moyen de propositions innombrables adaptées à vos penchants, et donc élaborées sur mesure.

Ni droits d’auteurs ni acteurs !

Les professionnels du cinéma et de la musique ont bien compris le danger, qui ont récemment entrepris des grèves dures pour empêcher les producteurs et les studios de les remplacer par de l’IA. Ils ont obtenu partiellement gain de cause jusqu’ici mais, dans un contexte juridique flou et en pleine évolution, et dans un marché qui représente des centaines de milliards, il est évident que des producteurs peu scrupuleux mettront sur le marché des musiques, des romans et des films fabriqués à 100% par l’IA, donc sans droits d’auteurs ni acteurs en chair et en os, juste des avatars plus vrais que nature.

Les ressources sont si abondantes, et l’IA si puissante, que chacun pourra même bientôt, dans sa cuisine, fabriquer un épisode d’une série à la mode, et en inventer l’épilogue à son goût; un Hitchcock convaincant; un roman dans le style de Flaubert, de Dumas ou de Joël Dicker; un Van Gogh, un Salvator Mundi de Leonard de Vinci plus convaincant que celui qui s’est vendu à prix d’or !

Mais si n’importe qui peut produire un chef-d’œuvre, grâce à l’IA et au pillage des données et des biens culturels sur lequel elle repose, que devient le créateur, l’artiste, quelle sera la valeur intrinsèque, mais aussi économique, des œuvres créées, originales ou issues de l’IA?

CHRONIQUE – Comment l’IA va anéantir la société humaine - 2. - Ignorants et rassasiés


Le savoir migre du cerveau à la machine

Cela vaut évidemment pour tous les producteurs de contenus quels qu’ils soient: dans le domaine académique, il est devenu presque la norme pour les chercheurs de faire rédiger des articles par l’IA, comme pour les étudiants bien sûr, qui peuvent présenter en un temps record des travaux bien documentés, sans devoir courir après les sources et les compiler. Mais là est le piège: l’IA les dispense d’apprendre à travailler, en faisant le boulot à leur place, et dans toutes les langues possibles !

Cette évolution interroge de manière vertigineuse la place de l’humain face au savoir et à la culture, puisque le savoir et la culture migreront de son cerveau à une machine quelconque, smartphone, ordinateur, montre connectée, puce sous-cutanée. La culture d’un individu, toute riche soit-elle, n’atteindra jamais la totalité du savoir que maîtrise l’IA. Dès lors, à quoi bon apprendre les langues et lire des essais ou des livres d’histoire, puisque mon smartphone a réponse à tout, en texte et en images ? Certes, en retour nous aurons besoin en permanence de notre béquille informatique omnisciente, telle le robot doré CPO pour les héros de Star Wars, sans qui nous serions réduits à l’impuissance !

Ignorants et désoeuvrés, libérés du travail par l’IA, les humains vont se transformer en couch potatoes, vautrés devant leurs écrans, sautant à perdre haleine d’une distraction à l’autre, qui leur livreront exactement ce qu’ils ont envie de voir et d’entendre. Le rêve, quoi…

Lire ici la 1ère partie

Le 14 août 2024.


Observação da redação: este artigo foi modificado em 28.08.2024

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