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EDITORIAL – Brésil, un pays au fort potentiel mais qui est encore loin du compte

EXCLUSIF – VISION AMERICAINE DU BRESIL

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CARNAVAL - Sexualité au Brésil, le pays de toutes les extrêmesSAO PAULOLe Brésil est probablement l’un des deux seuls pays, avec la Chine, qui fascine véritablement les Américains. Il suffit de voir le traitement qui lui est réservé presque quotidiennement par le plus grand journal américain The Wall Street Journal (TWSJ). Le 24 avril 2016 par exemple, ce grand journal conservateur de qualité lui consacre plusieurs pages entières. Presque tous les jours on peut y lire un article sur ce pays, la Suisse apparaît peut-être une fois par mois souvent pour parler des banques. Son concurrent libéral, The New York Times, n’hésite pas aussi à parler beaucoup du 2ème plus grand pays du continent américain juste après les Etats-Unis.

Ecrire sur le Brésil fait sans aucun doute sens, surtout en pleine crise politique actuelle qui agite Brasilia (sa capitale) avec une menace de destitution de sa président Mme Dilma Rousseff.  Economiquement, le Brésil présente un gros potentiel. Il y a quelques années seulement, le Brésil appartenait pour Nestlé aux 5, voire 3, plus grands marchés du géant veveysan. En 2015 et 2016, la situation semble avoir bien changé avec le Brésil qui se classe plus bas dans le classement des plus grands marchés pour Nestlé.

Quelques repères

Le Brésil avec ses plus de 200 millions d’habitants est tout simplement le 5ème pays le plus peuplé au monde. Seulement la Chine, l’Inde, les Etats-Unis et l’Indonésie comptent plus d’habitants. Si on enlève l’Inde et l’Indonésie, 2 pays économiquement très importants mais qui comptent encore des poches nombreuses de pauvreté et une culture assez éloignée de l’Occident, la « short list » des grands pays au fort potentiel se limitent à 3 : Etats-Unis, Chine et Brésil. Bien sûr les Etats-Unis et la Chine sont loin devant, si on inclut l’Union Européenne cette zone se classe aussi économiquement très loin devant le Brésil. Mais ce n’est donc pas une surprise si les Américains observent le Brésil avec une grande attention, ils se disent qu’il s’agit peut-être d’un pays plus simple à “dominer” que les grands pays d’Europe comme l’Allemagne ou la France.

L’ennemi chinois


En pleine campagne américaine basée en partie sur le protectionnisme, Cruz et Trump du côté Républicain mais aussi Sanders dans le camp Démocrate, on observe que la Chine est parfois un peu diabolisée du côté américain. Une autre raison pourquoi les grands journaux américains essaient de voir dans le Brésil leur « petit frère » qui pourrait les aider éventuellement un jour.

Oui mais…

Le grand problème avec les théories est que dans la pratique les choses sont bien plus complexes. Dans un article très intéressant du TWSJ publié le 24 avril 2016, les 2 journalistes qui ont écrit un grand dossier sur le Brésil mentionnent un chiffre intéressant : 41%. C’est le pourcentage du PIB représentant les dépenses de l’état brésilien. Aux Etats-Unis, ce chiffre tombe à environ 20%. Selon cet article, les Brésiliens dépensent presque autant d’impôts que les Scandinaves mais ont des infrastructures “africaines”.
Ce journal conservateur estime que le grand problème du Brésil provient d’un excès de dépense publique, on sait d’ailleurs que la dette brésilienne augmente. De plus, les retraites des fonctionnaires brésiliens coûtent très chères aux dépenses publiques. Sans compter une impossibilité de licencier les fonctionnaires et des problèmes avec le géant Petrobras.

Sans des réformes, un peu comme en France, le Brésil ne semble pas prêt de retrouver une vraie croissance à plus de 5% comme dans les années 2000 et la période Cardoso (centre, centre-gauche) puis Lula (gauche).

Complexité du système fiscal brésilien

Au Brésil, la fiscalité repose en grande partie sur des impôts indirects qui peuvent fortement varier d’une industrie à l’autre. L’impôt sur les ventes (appelé TVA en Suisse) peut parfois s’élever jusqu’à 50% ou même plus. Autrement dit, si vous achetez une voiture neuve par exemple, une partie très importante sera consacrée à l’achat de l’impôt.

L’impôt sur le revenu existe mais seulement à partir d’un certain revenu mensuel, de l’ordre de peut-être 500 dollars par mois ou plus. Il est pour le moment plafonné à 29%, une personne qui gagne par exemple 100’000 Reais (la monnaie brésilienne) payera donc 29’000 Reais d’impôts à l’état. Ce montant est très inférieur à l’impôt sur le revenu de certains états américains, de certains cantons suisses ou la France.

Brésil, pays du futur ?

Il est très difficile de se prononcer à ce sujet. D’un côté le Brésil est contaminé par une culture clanique, très indirecte et donc plutôt hypocrite (on ne dit pas toujours ce qu’on pense) ainsi que par la corruption. Il est très difficile de changer la culture d’un peuple. La montée en puissance du protestantisme évangélique pourrait éventuellement “américaniser” le Brésil et le rendre plus honnête, plus capitaliste et donc plus “business friendly”. Reste à savoir si les théories de Max Weber sont encore valables plus de 100 ans après sa genèse dans un monde complexe et plus individualiste qu’à l’époque.

Etats-Unis loin devant

Si on lit entre les lignes du TWSJ, les Etats-Unis avec 16’700 milliards de dollars de PIB pour l’année de 2013 restent loin devant le Brésil qui comptait seulement 2’240 milliards de dollars de PIB. Bref, avec une population seulement 1 tiers plus élevée que le Brésil les Etats-Unis sont environ 5 fois plus riches (rapporté au nombre d’habitants). Par comparaison, le PIB suisse en 2013 était de 685 milliards de dollars et celui de la France de 2’800 milliards. La France en 2013 était une puissance économique supérieure au Brésil, pourtant bien plus peuplé.

C’est peut-être la preuve qu’une économie ne doit pas être seulement observée par rapport à sa population mais à l’honnêteté de son peuple, sa culture, sa capacité à éliminer la corruption. Le Brésil est donc loin de concurrencer les Etats-Unis et les 2 grands journaux américains (TWSJ et TNYT) peuvent continuer à parler du Brésil avec une certaine condescendance. Ce n’est pas demain que la majorité de la classe moyenne américaine rêvera d’aller en vacances à Rio de Janeiro comme les Brésiliens rêvent d’un petit voyage à Orlando ou à Miami, le « Rio de Janeiro qui a bien tourné », comme ils qualifient parfois non sans humour cette grande ville de Floride.


Le 24 avril 2016. Par Xavier Gruffat (fondateur du site Romanvie.ch, XG réside entre la Suisse, les Etats-Unis et le Brésil. Actuellement il vit à Sao Paulo, Brésil). Sources : The Wall Street Journal, Folha de S.Paulo

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Observação da redação: este artigo foi modificado em 25.04.2016

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