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Apologétique – qu’est-ce que le Logos (Parole – λόγος) ?

Dans le célèbre prologue du début du chapitre 1 de l’Evangile de Jean, on peut lire dans le premier verset (traduction Segond 1910) : “Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.” Dans la théologie chrétienne, le terme Parole (du grec Logos, en grec ancien : λόγος) se réfère à Jésus-Christ. La compréhension du terme Logos est un élément souvent essentiel de l’apologétique, c’est-à-dire la défense raisonnée de la foi chrétienne. Rappelons ici que tout le Nouveau Testament a été écrit en grec ancien, en grec koinè. On constate que le Logos a une dualité d’interprétation, l’une judéo-chrétienne et l’autre helléniste (grecque). La plupart des théologiens chrétiens s’accordent à dire que l’interprétation du Logos est à rechercher en premier dans la pensée juive1, mais on estime que Jean connaissait aussi la tradition philosophique grecque et n’a pas choisi ce mot par hasard. Ainsi, d’où vient le terme complexe de Logos dans la tradition philosophique grecque et son application pour le christianisme ? Ou comme le disait de façon rhétorique l’un des Pères de l’Eglise, Tertullien, “Qu’y a-t-il de commun entre Athènes et Jérusalem” ? Autrement dit, est-ce qu’il y a une relation entre la philosophie grecque et la tradition ou la culture judéo-chrétienne ?

Définition (raison)


Comme l’explique la page Wikipedia en français sur le Logos (avec des synonymes ou traductions comme parole, discours, raison, relation ou encore sagesse – certaines sources parlent aussi d’intelligence), il s’agit au départ d’un discours parlé ou écrit dans la pensée grecque antique. Par extension, le Logos désigne pour résumer également la raison, forme de pensée dont on considère qu’elle découle de la capacité à utiliser une langue (grec γλῶσσα / glossa, γλῶττα / glotta « langue ») ou des mots (λόγια / lógia « mots »).

Héraclite – contexte grecque, au commencement étaient les mythes

Relevons tout d’abord pour faciliter la compréhension que le terme Logos a la même racine que le mot logique. Pour résumer et probablement un peu simplifier, dans la culture et histoire grecque le concept du Logos est arrivé grâce aux premiers philosophes comme Thalès (de Milet) né vers 625-620 av. J.-C. et considéré comme le père de la philosophie occidentale. Le but de ces penseurs était d’apporter des explications plus rationnelles, raisonnables et logiques aux différents problèmes et aspects de la vie ainsi que de l’univers (cosmos). Héraclite d’Éphèse (lieu situé actuellement en Turquie) ou simplement Héraclite né vers 544-541 av. J.-C. est le premier à avoir articulé le terme de Logos. Pour ce célèbre philosophe, le Logos est une « raison universelle »2. Avant l’apparition de la philosophie et d’une certaine rationalité, les problèmes et différents aspects de la vie ou de l’univers étaient surtout interprétés ou analysés par les mythes grecques avec un rôle considérable des dieux ou autres divinités. Mais ces dieux étaient parfois irrationnels et immoraux. Cette problématique a parfois été résumée par la formule « du muthos au logos », c’est-à-dire le passage des mythes à la logique (Logos), avec l’arrivée de la philosophie.

Ephese (crédit photo : Adobe Stock)

Sagesse, raison, ordre

Pour Héraclite, le terme Logos renvoie à la fois à sa propre doctrine ainsi qu’à, et ceci en est le sens principal, la loi fondamentale, le principe de toutes choses qu’il s’agit de connaître. Cette connaissance est la sagesse. Rappelons que le terme philosophie signifie en grec amour (philo) de la sagesse (sophie). Héraclite voyait le monde comme un flux, de façon dynamique. Une célèbre phrase de ce philosophe est : “Tu n’entres jamais dans la même rivière deux fois (de suite)”. Thalès de Milet lui s’est posé quelques années avant cette désormais célèbre question : “De quoi est fait la réalité ?”. Plus tard et dans la philosophie de Platon, le Logos est considéré comme la raison du monde, comme contenant en soi les idées éternelles, archétypes de toutes choses. Aristote a aussi contribué à la création d’un dieu mais impersonnel (assez proche selon moi plus tard du dieu de Spinoza) en comparaison du Dieu judéo-chrétien, en parlant de dieu ou Dieu comme la “pensée de la pensée”, le “premier moteur immobile” ou la “cause première de toutes choses”. Plus tard, les philosophes stoïciens interprétaient aussi le Logos comme une force ou une énergie, c’était comme leur dieu.

Analyse plus détaillée, ordre

Pour l’intellectuel et psychologue canadien Jordan Peterson, le Logos est à comprendre comme l’ordre intrinsèque du cosmos (univers). M. Peterson relève aussi que le logos peut-être, comme une aventure humaine, la recherche continuelle de la vérité. On peut dire que le Logos, pour les premiers philosophes grecques, est l’intuition qu’il y a un ordre ou une logique dans notre univers. Il distingue aussi le micro-cosmos (des aspects plus cachés révélés par exemple par la science comme un microscope) et le macro-cosmos (l’univers en général). Il faut savoir que le chaos est l’ennemi total de la science3. Le célèbre pasteur et théologien américain R. C. Sproul4 explique que le terme Logos est utilisé dans la philosophie grecque pour décrire une idée abstraite nécessaire pour apporter ordre et harmonie au monde.

Logos ou science


De nos jours, on qualifie le Logos plutôt de science. D’ailleurs, de nombreuses sciences ont le suffixe Logos (-logie) dans leurs noms : archéologie, théologie, sociologie, pharmacologie, biologie, psychologie, etc. C’est-à-dire une analyse rationnelle, parfois même totalement matérialiste, du monde ou de l’univers (cosmos). Le siècle des Lumières (18ème siècle), précédé par la réforme protestante et notamment calviniste (16ème siècle), a été fortement influencé par la rationalité du Logos avec une très grande importance donnée à la raison. Certains intellectuels comme C.G. Jung (psychiatrie suisse) ont critiqué – peut-être de façon indirecte par son oeuvre magistrale – cet excès de rationalité au détriment de davantage de mythologie et de religiosité. La psychanalyse jungienne essaie notamment de contre-balancer, par exemple par l’analyse des rêves, le poids trop important du rationnel en particulier dans nos cultures occidentales (Europe de l’Ouest, Amérique du Nord). Chesterton s’est aussi à sa façon opposé à la domination totale de la raison.

Christianisme

Cet article ne s’intéresse pas spécifiquement au Logos chrétien (c’est l’object de la théologie chrétienne en général). Mais pourquoi Jean (Saint-Jean pour les Catholiques) a utilisé le terme Logos pour qualifier Jésus au début de son évangile est sujet à différentes interprétations. On peut supposer que le terme Logos, traduit souvent par parole dans des traductions françaises du Nouveau Testament, sert à montrer un Dieu souverain qui par sa Parole peut décréter ce qu’Il veut. C’est une référence aussi à la première phrase de la Genèse (“Au commencement Dieu créa…”). Une autre interprétation est de montrer un contraste avec le chapitre 3 de la Genèse (péché originel). Jésus est la parole de vie et celle du diable (du serpent) est la parole de la mort. On peut aussi penser que Jésus représente toute la logique ou rationalité du monde avec ce concept emprunté à la philosophie grecque, d’où l’utilisation justifiée du terme Logos au début de son magnifique évangile. Finalement, certains théologies notamment de la renommée université de Yale pensent que Jean a choisi le mot grec Logos, car il était au masculin ce qui correspond au genre de Jésus. Mais Jean aurait pu choisir le mot féminin Sophie (sagesse). Cela aurait aussi pu permettre de se connecter à la philosophie grecque, en accord avec la plénitude ou le moment idéal pour que Dieu envoie son fils unique Jésus Christ (lire Galates 4 : 4). Rien n’est laissé au hasard. Cela dit, il y a une vraie rupture avec la philosophie grecque pure, car dans le christianisme, le Logos est le Verbe de Dieu incarné5, une personne : le Seigneur Jésus-Christ.

Par Xavier Gruffat. Article mis à jour le 21 septembre 2024. Sources : La Bible (version en grec et français), vidéos YouTube (de Jordan Peterson, en anglais), livres de philosophie, Wikipedia.org. Remarque : certaines sources ont été mises dans l’article.

  1. R.C. SPROUL, The Consequences of Ideas, Crossway Books, Wheaton (Etats-Unis), 2000
  2. R.C. SPROUL, The Consequences of Ideas, Crossway Books, Wheaton (Etats-Unis), 2000
  3. R.C. SPROUL, The Consequences of Ideas, Crossway Books, Wheaton (Etats-Unis), 2000
  4. R.C. SPROUL, Does God Exist, Ligonier Ministries, Sanford – FL (Etats-Unis), 2019
  5. R.C. SPROUL, Does God Exist, Ligonier Ministries, Sanford – FL (Etats-Unis), 2019
Observação da redação: este artigo foi modificado em 22.09.2024

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