Publicité

CHRONIQUE – Etats-Unis: l’espoir et la dignité contre la peur

Par Philippe Barraud (journaliste) – Contenu exclusif sur Romanvie.ch

Pour Donald Trump, le retrait de Joe Biden de la course à la Maison-Blanche a été le pire scénario, un de ces cauchemars dont on sait qu’on ne pourra pas à sortir. Après avoir vilipendé son adversaire pendant des années en raison de son âge, voilà qu’il se retrouve, du jour au lendemain, dans le rôle infamant du vieillard crachotant. Et oui ! c’est l’arroseur arrosé: le vieux de la campagne, désormais, c’est lui, le «grumpy old man», un vieux type qui ne fait que pleurnicher et inonder ses meetings et les réseaux sociaux d’imprécations agressives et délirantes, face à une adversaire bien plus jeune, positive, pleine d’énergie et de bienveillance.

Furieux et paniqué, Trump multiplie donc les attaques, se vautre dans la vulgarité, pour la plus grande joie de ses fidèles, agresse la nouvelle challenger, Kamala Harris, l’abreuvant d’insultes misogynes et racistes, et la traitant même de «salope» («bitch»). La classe…

Cela n’efface pas ses difficultés liées à l’âge: il bafouille souvent, confond les personnes, n’arrive pas à suivre son télé-prompteur, et repart alors dans des imprécations et des litanies difficiles à comprendre, pour revenir ad nauseam sur l’élection de 2020 qu’on lui a volée…

Ce comportement de fou furieux, qui indispose de plus en plus de Républicains, est révélateur de la personnalité de Donald Trump: un égotiste profond, à la limite de la psychopathie, qui se fiche bien de l’avenir des Etats-Unis et des Américains qui galèrent. Comme l’a dit Tim Walz, le colistier de Mme Harris, il n’a jamais dû se mettre à la table de la cuisine pour trouver comment payer les factures.

Pour lui, l’Amérique sera great again seulement au moment où il sera élu, autrement dit, elle ne pourra pas l’être sans lui. Ce comportement est typique des dictateurs du 20e siècle, qui se sont servis de leur nation (l’Italie, l’Allemagne, la Russie) pour accomplir ce qu’ils pensaient être un grandiose destin personnel, quitte à détruire sans scrupules leur pays et ses habitants, dès lors que ceux-ci n’avaient pas été à la hauteur des ambitions personnelles de leur chef.

Etats-Unis: l'espoir et la dignité contre la peur

D’abord, jouer au golf

Le drame de Donald Trump – et de l’Amérique, et du reste du monde – c’est qu’il n’est pas, et ne sera jamais, un homme politique. Il ne connaît rien à l’Histoire ni aux relations internationales, sa culture a l’épaisseur du papier à cigarettes, il ne s’intéresse pas aux tâches essentielles de la fonction présidentielle, qui l’ennuient, comme par exemple la lecture des rapports quotidiens des services de renseignement. Durant son mandat, il préférait aller jouer au golf.

Il n’a guère d’idées politiques ni de convictions, mais navigue en fonction des soutiens politiques et financiers qu’il reçoit. Voyez par exemple son virage à 180 degrés au sujet de la voiture électrique: il y a peu encore, elle allait tuer l’industrie automobile américaine. Mais Elon Musk est passé par là, mettant beaucoup d’argent dans la campagne du Républicain, et dès lors, vive la voiture électrique !

Un objectif obsessionnel

Encore une fois, seule compte pour lui l’image de Donald Trump dans le Bureau Ovale, c’est pour lui l’objectif unique et absolu, et tous les moyens sont bons pour y arriver. Pour y faire quoi ? Se mettre en scène, en écoutant distraitement des courtisans qui le couvrent de compliments et lui disent ce qu’il veut entendre, et placer ses proches aux affaires qui rapportent. C’est la cour du Roi Pétaud, le chaos trumpien.

Sans le savoir sans doute, Trump utilise un des outils favoris de Mussolini pour rester au pouvoir*: la peur. Il faut inspirer la peur et surtout pas l’espoir, afficher un faciès redoutable (Trump fait cela très bien devant les photographes), promettre l’apocalypse en cas de non-élection. Pourtant, si par malheur Trump devait se retrouver à la Maison-Blanche, par l’élection ou par un coup d’Etat, alors la peur devra gagner ses adversaires, car sa vengeance sera terrible, qui occupera l’essentiel de son activité. La Constitution, le Congrès, les libertés fondamentales, tout pourrait sauter.

Mais les Américains ont-ils vraiment envie d’un retour vers le chaos du premier mandat de Trump, ce passé sombre, ce régime acrimonieux, agressif, incompétent et imprévisible, qui a profondément divisé la nation? Les milliardaires le souhaitent bien sûr, mais les gens normaux ?

Kamala Harris, le discours de l’espoir

Pour ceux-ci, pour les minorités, pour les femmes, pour les Afro-Américains et les populations autochtones, Kamala Harris parle d’espoir, de liberté, d’opportunités, de compassion, de dignité, d’équité et de possibilité infinies.


Quelle différence soudain, quelle fraîcheur dans le discours ! Et on voit bien que ce parler nouveau, vécu comme une divine surprise, porte, qu’il apporte un vent frais, une respiration, les gens réalisant soudain qu’ils n’étaient pas condamnés à revivre le rêve mauvais du premier mandat de Trump, ni l’ultra-conservatisme qu’il a imposé à son parti, muselé par lui ; qu’une alternative positive, ouverte et même joyeuse était possible, ce qui paraissait encore impensable il y a trois mois.

Pour l’heure, Kamala Harris fait la course en tête dans les sondages, mais rien n’est joué: le système électoral américain n’est pas particulièrement démocratique, puisque la majorité des voix à l’échelon du pays ne garantit pas l’élection (Hillary Clinton avait recueilli des millions de voix de plus que Donald Trump!).

Il faut donc espérer un résultat clair en faveur de la vice-présidente, sinon le pire sera probable, jusqu’à la guerre civile.


* Voir la monumentale trilogie d’Antonio Scurati, aux éditions Les Arènes.

Lire aussi : Etats-Unis – Genre et origine, sujets muets de la campagne d’Harris

Article mis à jour le 2 septembre 2024. Photos: Adobe Stock, Pixabay ou Pharmanetis Sàrl (Creapharma.ch).

Observação da redação: este artigo foi modificado em 02.09.2024

Publicité