GENEVE – SAO PAULO – Il y a des jours où je me vois bien stratège politique, spin doctor. Mon nouveau concept pour gagner en politique est de travailler sur des micro-histoires, mais qui s’insèrent par exemple dans une macro-histoire. L’idée est de renforcer des histoires positives ou négatives (basées sur la peur). Prenons l’élection présidentielle au Brésil qui semble donner la victoire à Bolsonaro d’ici quelques jours, en tout cas selon certains sondages. La remontée est assez spectaculaire. La macro-histoire est d’avoir un Brésil chrétien, Dieu au-dessus de tout, avec une logique conservatrice et une économie libérale. Mais en dessous il y a plein de petites histoires qui sont très importantes pour renforcer la macro-histoire notamment en terme symbolique.
Micro-histoires
Une micro-histoire est de dire que l’inflation en 12 mois au Brésil était de 7,2% selon The Economist, alors que l’inflation en projection annuelle sur 2022 en Argentine (gouvernée à gauche) devrait être de 100% et qu’en Allemagne elle est de 10% (état septembre 2021 à septembre 2022). Il y a donc une micro-histoire qui semble prendre fortement comme bouche à oreille et sur les réseaux sociaux notamment dans le sud du Brésil, riche et peuplé. J’ai personnellement beaucoup de gens utiliser cette micro-histoire, qui au fond est très réaliste, purement rationnelle. Ici l’histoire joue clairement sur la peur du “communisme” et d’une monnaie fortement dévaluée comme en Argentine ou Venezuela. Une autre micro-histoire, celle-là est peut-être plus discutable, est de dire dans un pays qui compte 30% d’évangéliques que si la gauche arrive au pouvoir, éventuellement une liberté religieuses sera diminuée (c’est pas impossible si on regarde certains pays d’Amérique centrale, mais c’est aussi peu probable dans un monde si connecté). Ce que j’ai remarqué est que la gauche de Lula n’arrive pas vraiment à imprimer des micro-histoires, il y a clairement des difficultés à se projeter dans le futur pour la gauche. Il manque peut-être aussi une macro-histoire pour la gauche. On dirait ici que Lula fait dans l’anti-Bolsonaro (“menteur” selon lui) mais n’est clairement pas dans une vraie histoire, peut-être un narratif porteur pour le “peuple de gauche”.
Le peuple croit aux histoires qu’il veut
La nouvelle politique consiste à raconter le maximum d’histoires positives ou négatives. Ensuite le citoyen décide. Il y a une certaine forme de vérité, Chesterton expliquait que le peuple pouvait croire à deux histoires contradictoires (paradoxales) qu’il jugeait vraies. Bref, je dis souvent mon nouveau slogan, pour comprendre le monde il vaut mieux lire Carl Jung (ou Chesterton mais cela rime moins) que Karl Marx. Cqfd.
Xavier Gruffat. Fondateur de Romanvie.ch. Le 22 octobre 2022.