Mots clés : apologétique, politique, Carl Jung, Bible, mythes, écologie, Rousseau
Il est évident que pour nous conservateurs, le premier livre de la Bible, la Genèse, est essentiel dans notre compréhension (cosmovision) du monde. Mais pour l’avoir étudié en entier, ce n’est pas du tout un livre facile. Je ne vais pas entrer dans cet article dans une compréhension littérale ou plus métaphorique de la Genèse. Ce qui n’est pas toujours intuitif est de bien comprendre qu’Adam et Eve étaient bien différents, pas seulement dans l’apparence physique ou biologique, mais aussi dans leur personnalité et actions.
Newton puis Einstein – Où est Adam ?
Comme l’expliquent très bien le professeur Jordan B Perterson et Matthieu Pageau dans une vidéo de septembre 2022 (en anglais), on découvre en lisant la Genèse qu’Adam était très différent d’Eve. Adam est comme un scientifique, il essaie de nommer des “choses” comme les animaux (Genèse 2 : 20). Il donne par exemple le nom au serpent. Selon Matthieu Pageau, dans un premier temps avant la Chute, Adam est comme Newton, il nomme plein de “choses” ou phénomènes en fonction de ses théories. D’ailleurs cela expliquerait pourquoi en 2022 beaucoup d’hommes ont de la peine avec les concepts de LGBTQUIA+ (pensons aux récentes victoires de conservateurs en Italie, Suède ou au Brésil – les sondages en tout cas au Brésil montrent que les hommes sont beaucoup plus conservateurs que les femmes) de nommer par exemple une personne intersexuelle, car l’homme serait perdu (mais peut-être plutôt un sujet pour un autre article). Quand Dieu crée la femme Eve après avoir endormi Adam, le but est de rénover Adam. N’oublions pas qu’au début c’était le Paradis, à ce moment la Chute n’avait pas encore eu lieu. A ce moment Adam n’arrive pas se nommer, il n’arrive pas à se voir, il est un peu perdu. Il a donc besoin d’une femme pour mieux comprendre le monde. La femme agit comme un miroir pour Adam. Comme le relève le Prof. Peterson, les femmes sont plus sévères pour juger les hommes que l’inverse (ils mentionnent des études sur des sites de rencontre). Cela veut dire qu’Eve devient consciente en premier, après la Chute, puis ensuite Adam devient conscient. Si j’ai bien compris la théorie de M. Pageau, Adam arrive grâce à Eve à intégrer d’autres théories comme celle de la relativité (dans l’analogie Newton-Einstein) et s’avère plus proche de la vérité. Car grâce à la femme, Adam arrive enfin à savoir où il est en changeant finalement de perspective.
Femme plus consciente, la Chute
Comme la femme peut devenir enceinte, elle devient de facto plus consciente. Si on revient à la Genèse, Adam “passe son temps” à nommer les animaux comme le serpent, mais Eve par contre parle avec le serpent. C’est pour cela que certains intellectuels estiment que les hommes sont plus souvent ingénieurs, car ils aiment les “choses” et les femmes ont des métiers plus sociaux, car elles aiment les personnes. Ce qui est intéressant est qu’Eve est comme en train de négocier avec le serpent. Adam passe son temps à catégoriser, mais il n’arrive pas à comprendre la transcendance de la “chose”. Au chapitre 3 de la Genèse on peut lire qu’Eve discute avec le serpent qui ment très clairement. Dieu avait dit à Adam et Eve de ne pas manger un fruit d’un certain arbre au centre du jardin, dans le cas contraire le premier couple va mourir. Mais le serpent dit que c’est un mensonge et arrive “convaincre” la femme à manger du fruit défendu. On connait tous la suite, c’est la Chute.
Conscience des péchés
Au verset 7 du chapitre 3 on apprend que pour la première fois, Adam et Eve réalisent ou plutôt prennent conscience de leur faute (Chute), puis de leurs péchés. Dans le livre de Marc du Nouveau Testament, Jésus dit au chapitre 3 verset 29 “…quiconque blasphème contre le Saint-Esprit n’obtiendra jamais de pardon…”. C’est peut-être pour cela, et pour nous rassurer, que l’auteur J.C. Ryle écrit “Le péché contre le Saint-Esprit est une réalité, mais ceux qui sont soucieux de l’avoir commis sont ceux qui ne l’ont vraisemblablement jamais commis”. Cela signifie que ceux qui l’ont commis sont tellement dominés par le mal qu’il est peut probable qu’ils soient conscients de leur péchés1.
Analogie politique
Matthieu Pageau fait une analogie entre Eve qui écoute le serpent et la gauche politique actuelle. Autrement dit, le but est de discuter avec l’ennemi, mais d’éviter de ne pas être “mangé” par le serpent comme Eve. Probablement ce qu’il veut dire, complété par une belle citation de Peterson, est qu’il faut tuer les idées pour ne pas mourir. Le professeur canadien explique aussi que beaucoup de nos cellules meurent pour que nous comme un tout puissions vivre. Matthieu Pageau relève que beaucoup d’histoires dans la Bible concernent des personnes qui ont fait un pacte avec un ennemi, comme Samson. A la fin Samson essaie de tuer l’ennemi mais finit par mourir, même s’il tue beaucoup d’ennemis. Pour reprendre un mythe grec (quel anachronisme), Samson se brûle les ailes. Le serpent est capable de piéger Eve et on doit tous faire attention à ne pas être piégé. Le Prof. Peterson, là cela devient vite complexe mais très intéressant, relève que le grand risque justement est de vouloir avaler le serpent, avaler l’ennemi. A ce moment on vit à crédit.
Crise écologique, mangé par le Serpent car trop rapide
Justement le Prof. Peterson réfléchit sur la crise écologique actuelle. Si j’ai bien compris il ne remet pas en cause la crise climatique mais pense que notre obsession de vouloir résoudre cette crise très rapidement peut nous détruire. Autrement dit, le serpent (la crise climatique) ne doit pas nous manger. On ne doit pas avoir les yeux plus gros que le ventre. La seule chose qu’on peut faire est de digérer progressivement les problèmes. Car si on va trop vite pour résoudre les problèmes (une critique ici de la gauche politique progressiste) on se fait tout simplement mangé par le serpent, comme Eve. A titre personnel cela me parle, car je travaille de façon bénévole une fois par semaine dans une grand favela brésilienne à Sao Paulo où je réside et je vois qu’il y a tellement de problèmes à résoudre (pauvreté, absence de formation, logement). Je trouve intéressant comme concept biblique. On peut y voir au passage l’orgueil de la gauche de penser pouvoir résoudre tous les problèmes, une véritable utopie.
Hyper anxiogène
Pour revenir en 2022, il est évident qu’après la crise Covid-19, en Suisse en tout cas la crise écologique commence à prendre une ampleur diabolique dans tous les sens du terme. Si la Covid-19 était anxiogène, la crise climatique semble énormément plus sérieuse et tragique pour nous êtres humains. Est-ce qu’on joue à se faire peur ? Est-ce qu’on doit vraiment avoir peur ? Pour revenir à la vidéo YouTube, Matthieu Pageau estime que si la gauche (en Suisse, Socialistes et Vert.e.s) – qui serait on l’a compris ici Eve – aime son pays (ou son mari Adam) – elle ne peut pas vouloir sa perte. L’analogie ici est que le péché d’Eve est de faire qu’Adam se trouve dans un labyrinthe sans aucune sortie. On croirait un peu entendre les paradoxes dans le christianisme de Chesterton (cela devient complexe à suivre, non ?).
Paradoxe de l’écologie
Ce qui est très intéressant et ce que je ressens dans cette vidéo est qu’en fait les écologistes qui doivent être proches de la nature et se veulent proches, justement ne comprennent pas cette nature (humaine). Prof. Peterson cite des pressions écologiques réalisées sur des paysans en Hollande, ce qui réduit la productivité d’aliments et en théorie augmente la faim sur cette terre. Il y a aussi toute l’idée très rousseauiste de la gauche de croire à un homme bon, hors nous Chrétien et surtout calvinistes (ce qu’est ce site) pensons à une dégradation totale de l’être humain, après la Chute.
On pourrait dire que c’est une faute politique ou une erreur d’appréciation. Et au fond que l’on croit en Dieu et donc à la Genèse de façon assez littérale ou qu’on croit plutôt dans un mythe jungien, le résultat est le même et les écologistes (ainsi que leurs disciples les journalistes mainstream) se trompent de méthode. A ce rythme, ils vont se faire manger par le serpent, je leur conseille de commencer au plus vite une psychothérapie. Cqfd.
Guerre aux intellectuels français
Il est évident que les monstrueux intellectuels français en sociologie des ces dernières dizaines d’années comme Foucault, Derrida ou Bourdieu (le fameux concept de pouvoir symbolique) ont joué un rôle immense en Occident, mais justement tout l’objet des intellectuels conservateurs dont j’essaie modestement de faire partie cherchent à déconstruire certains concepts parfois qualifiés de postmarxistes.
Conclusion (de Matthieu Pageau, si je résume bien l’essence de son message) : le but est de surmonter la perspective anti-humaine du modernisme dans la société et l’Eglise. Il pense qu’une partie de la voie à suivre consiste à appliquer des interprétations symboliques aux informations scientifiques, car les connaissances acquises par une telle méthode sont valables, mais ne sont pas intégrées dans un cadre métaphysique de signification.
Selon moi, l’essai de Mattieu Pageau est aussi une critique du calvinisme (ce site est calviniste et accepte les critiques), car il le dit lui-même, il reproche aux Réformateurs mais aussi aux Catholiques d’avoir un peu (beaucoup) enlever le pouvoir des mythes dans la société, bref la manière métaphysique ou symbolique de la Bible. M. Pageau le résume bien, c’est regrettable, parce qu’un monde matérialiste avec le message de l’évangile loi+relation n’est décidément pas le modèle cosmologique fonctionnel des Écritures. On ne peut que lui donner raison, si on voit aussi comme la pornographie ou l’alcool dans une moindre mesure a complètement envahi le christianisme et le monde, quelque chose ne va pas.
Cela pose le problème d’une théologie soit trop littérale (les Evangéliques pour résumer) ou trop libérale (justement les “post-calvinistes” notamment). Avec la mode actuelle du story-telling, M. Pageau tient peut-être quelque chose de très précieux pour l’Eglise ou le monde. J’aime en tout cas beaucoup sa vision du monde. Je le vois clairement comme une prochaine superstar du christianisme globalisé de qualité (on connaît les Chrétiens qui cherchent plus leur propre gloire que de faire avancer le Règne de Dieu).
Pour aller plus loin, texte intéressant en anglais
Que Dieu vous bénisse !
Par Xavier Gruffat. Le 5 octobre 2022. Sources : mentionnées dans le texte. Crédit photo : Adobe Stock.